
Voyage avec un âne dans les Cévennes est le récit du voyage que fit Robert Louis Stevenson à l’automne 1878 entre Le Monastier en Haute-Loire et Saint-Jean-du-Gard. Le titre pourrait laisser croire qu’il a cheminé avec un âne, il n’en est rien, c’était avec une ânesse qu’il a baptisée Modestine. Pourquoi le titre français ne rend-il pas compte du genre de l’animal alors qu’il le pourrait ? C’est un mystère.
Stevenson ne voyage pas léger. En bon britannique, même si écossais, il trimballe un bardas qu’il ne peut porter lui-même et a donc besoin d’un esclave. Il l’affirme lui-même : « Modestine devint mon esclave ». Et savez-vous à partir de quand elle devint cette parfaite esclave ? A partir du moment où il comprend que seul un aiguillon qui la blesse jusqu’au sang et la fait souffrir la pousse à lui obéir. Monsieur Stevenson n’entend pas se faire dicter son rythme par un âne, fut-ce une ânesse.

Il ne supporte pas qu’elle s’arrête pour brouter ni même qu’elle divague. La cohabitation est donc d’abord difficile, il la traite de diablesse possédée du démon. Puis une fois qu’il la domine en maître, il s’en accommode bien mieux. Au point de verser une petite larme au moment de la séparation. On n’a pas le témoignage de Modestine sur le voyage mais Stevenson estime qu’au final, elle le considérait comme un dieu, rien que ça.
On ne sait pas non plus pourquoi l’écrivain écossais entreprend ce périple mais il souligne son goût pour le voyage.
Je voyage pour l’amour du voyage. La grande affaire est de bouger, de sentir de plus près les besoins et les démangeaisons de notre vie, de descendre de ce lit de plumes qu’est la civilisation, et de trouver sous nos pieds le globe granitique, semé de silex coupants.
Il parcourt pourtant « les régions du monde les plus misérables… le pire des Highlands d’Écosse, mais pis encore, froid, nu, et ignoble, avare de bois, avare de bruyères, avare de vie ». Les autochtones ne se montrent pas toujours accueillants, prenant parfois plaisir à le perdre ou refusant de lui parler. Bref, les Cévennes de la fin du XIXe siècle ne sont pas encore la carte postale idyllique que nous connaissons aujourd’hui. Quoi de plus beau pourtant que cette région-là du monde ?
Le plaisir lui vient surtout d’être seul (avec Modestine) dans la nature. Il aime s’y perdre :
Toute ma vie, j’ai cherché l’aventure, une aventure pure, sans passion, telle qu’il en advenait aux héros voyageurs de jadis, et c’était voir une fraction de mes rêveries se réaliser que de me trouver ainsi le matin, dans un recoin perdu et boisé du Gévaudan, ne sachant où était le nord ou le sud, sans connaître les alentours mieux que le premier homme sur la terre, naufragé à l’intérieur des terres.
Aujourd’hui, la région exploite pleinement ce récit de Stevenson et propose randonnées et séjours dans les pas de l’écrivain écossais, pourquoi pas. La photo ci-dessous a été prise au petit matin. La veille au soir, une auto-stoppeuse prise sur le causse nous avait ouvert les portes de sa grange pour la nuit. C’était très roots, mais magique. Nous avons fait notre toilette matinale dans une source, au milieu des moutons.

Robert Louis Stevenson sur Tête de lecture
Voyage avec un âne dans les Cévennes
.
Robert Louis Stevenson traduit de l’anglais par Laurent Bury
Gallimard (Folio 2€ n°7089), première édition 1879
ISBN : 978-2-07-298124-1 – 143 pages – 2 €
Travels with a Donkey in the Cévennes